Travail dissimulé : précisions autour de la caractérisation de l’élément intentionnel du délit
L’élément intentionnel du délit de travail dissimulé se déduit de la persistance de l’employeur à décompter le temps de travail de son salarié en se fondant exclusivement sur la quantification préalable des missions confiées ou accomplies, bien qu’informé de ce que les horaires de travail étaient supérieurs aux temps pré-quantifiés.
Pour rappel, est considéré comme du travail dissimulé le fait pour un employeur de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail (article L.8221-5 du code du travail). L’employeur, en tant que personne physique, s’expose alors à une peine de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende (article L.8224-1 du code du travail) et le salarié dont le travail a été dissimulé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire en cas de rupture de son contrat de travail (article L.8223-1 du code du travail).
Mention d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué
Dans cette affaire, une distributrice de journaux en contrat à temps partiel a saisi la juridiction prud’homale de plusieurs demandes tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail et au paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture.
La cour d’appel, faisant droit à ses demandes, condamne l’employeur à lui verser une somme au titre du travail dissimulé. Les juges du fond relèvent en effet la volonté de la société de dissimuler des heures de travail en raison :
- de la persistance de l’employeur à intentionnellement mentionner sur le bulletin de paie de la salariée un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué ;
- du refus réitéré d’octroyer le droit à la salariée de mentionner sur ses feuilles de route le nombre d’heures de travail effectivement réalisées.
L’employeur soutenait quant à lui qu’il pouvait légitimement se croire autorisé à mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, puisque cette mention résulte de l’application d’une convention collective. Dès lors, selon lui, l’élément intentionnel du délit de travail dissimulé ne pouvait se déduire simplement de l’application d’un dispositif de quantification préalable des missions accomplies prévue par une convention collective.
A noter : il est assez difficile de déterminer les critères caractérisant l’élément intentionnel du délit de travail dissimulé, la Cour de cassation renvoyant aux juges du fond le soin de rechercher le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi (arrêt du 14 oct. 2015). La Haute juridiction reste toute de même vigilante sur les éléments de preuve acceptés caractérisant cette intention coupable.
Le caractère intentionnel du délit établi
Rejetant le pourvoi formé par l’employeur, la Cour de cassation confirme la décision rendue par la cour d’appel. Elle rappelle tout d’abord que le délit de travail dissimulé est caractérisé lorsqu’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué (arrêt du 4 mars 2003).
Par conséquent, l’employeur s’étant fondé exclusivement sur la quantification préalable des missions confiées ou accomplies par la salariée, alors qu’il était informé de ce que les horaires de travail réellement effectués par cette dernière étaient supérieurs, et ayant interdit à celle-ci de mentionner sur ses feuilles de route les heures de travail réellement accomplies, l’élément intentionnel du délit de travail dissimulé était en l’espèce caractérisé. En conséquence, la salariée est en droit de réclamer le paiement de l’indemnité pour travail dissimulé.